Paris : Passage Lhomme, la mémoire du Paris industriel - 26 rue de Charonne - XIème




Avant le percement de l’avenue Ledru Rollin, ouverte par tronçons successifs entre la rue de Lyon et l’avenue Daumesnil dès 1859, puis entre la rue Basfroi et la rue Godefroy-Cavaignac jusqu’en 1931, un ensemble de ruelles étroites, dédale de courettes caractéristique, permet de rejoindre la rue de Charonne depuis le Faubourg Saint-Antoine, l’une des plus anciennes voies de Paris. La position stratégique de celui-ci sur le chemin menant de Paris à Vincennes où se trouve à l’origine le palais royal, sa proximité avec le port de l’Arsenal lieu de transit des navires marchands de la ville favorise le développement du commerce et de l’artisanat dès le XIIème siècle. Au XVème siècle un décret royal exempte le Faubourg Saint-Antoine d’impôts divers ce qui entraîne une forte expansion du quartier sous l’impulsion des artisans. Les métiers du bois plus particulièrement liés à l’ameublement tels que menuisiers, ébénistes, doreurs, marqueteurs et ferrailleurs en font leur fief attitré.








Au 26 de la rue de Charonne en traversant un immeuble datant du XVIIIème siècle dont l’alignement a été revu au début du XXème, un passage à ciel ouvert typique de ce que fût le quartier donne l’illusion de s’être arrêté dans le temps, projetant les promeneurs curieux au cœur d’un vieux Paris révolu où résonnent encore le bruissement fantôme de l’activité artisanale. Le passage Lhomme, voie privée ouverte toute la journée, caracole jusqu’au passage Josset et finit sa course avenue Ledru-Rollin. Dans le quartier Sainte-Marguerite, ce singulier ilôt de quiétude doit son nom au propriétaire du terrain sur lequel il a été tracé vers 1852. Long de 122 mètres, large de 3,3 mètres, les constructions peu élevées qui le bordent sont représentatives de l’architecture utilitaire des passages industriels du faubourg.







Vision fugace d’un rêve d’antan, cette ruelle aux pavés disjoints entre lesquels s’ébattent les herbes folles, a trouvé une nouvelle quiétude champêtre bien loin de l’animation industrieuse qui usa le chemin de la venelle. Bureaux, cabinet d’architecture, studio de graphisme, librairie spécialisée dans la bande dessinée et les mangas, agence de prod cinéma ou de pub ont progressivement remplacé les artisans du bois. Quelques-uns résistent encore tel ce luthier ou encore la Chaiserie du Faubourg spécialisée dans la fabrication et réparation de chaises dont les ateliers de la boutique donnant sur la rue de Charonne se trouvent passage de Lhomme. Vétéran des lieux, la société Hollard spécialiste du vernissage au tampon et installée en 1912 appartient toujours à la même famille. Elle rénove les meubles anciens pour le Mobilier National, les Monuments Historiques, le Sénat, l’Elysée ou encore Matignon.






Demeurent les vestiges de commerces artisanaux défunts comme ce garage abandonné dont seule subsiste enseigne et devanture. L’ancienne miroiterie Remlinger & Vinet installée en 1886 a déplacé son activité, en 1979, boulevard Voltaire. L’héritier Remlinger a cessé d’exercer en 2006. Aujourd’hui, ses locaux passage Lhomme abritent un atelier d’art plastique. Grande bâtisse d’un rouge brique flamboyant, un bâtiment attire l’œil par sa belle verrière conçue par les ateliers de l’ingénieur Gustave Eiffel vers 1850. Cette ancienne scierie derrière laquelle se dresse l’une des dernières cheminées à base carrée en briques de Paris représente avec panache le passé industriel du quartier. Bien avant le pétrole ou le nucléaire, ces cheminées crachaient une fumée de charbon provenant des machines à vapeur grâce auxquelles s’est développée l’industrie au XIXème siècle. La manufacture surélevée partiellement d’un étage et transformé en logements dans la première partie du XXème siècle conserve une allure distinctive. Les longs bâtiments de trois étages, immeubles d’habitation dont les façades sont soulignées par l’entrelacs des sarments de vigne vierge et la glycine embaumée, sont spécifiques de l’architecture populaire utilitaire de cette époque.


Crédit Paris Révolutionnaire





Le passage Lhomme a été immortalisé dans les années 90 scènes du clip N’oubliez jamais de Joe Cocker avec en guest star Catherine Deneuve comme le symbole d’un Paris de charme susceptible de séduire touristes et amoureux de la ville Lumière. Les promeneurs ravis y sont nombreux mais respectueux des riverains. Arboré et fleuri, sous ses allures champêtres, il est paradoxalement l’un des témoignages les plus vivants d’un Paris industriel et artisanal dont l’idée est bien éloignée de la manifeste image bucolique d’aujourd’hui. Une destination de promenade au charme sans pareille.
Passage Lhomme 26 rue de Charonne - Paris 11 Métro : Ledru-Rollin ou Bastille




Bibliographie :

Paris secret et insolite - Rodolphe Trouillet - Parigramme Dictionnaire historique des rues de Paris - Jacques Hillairet - Editions de Minuit Les Traversées de Paris - Alain Rustenholz - Parigramme
Sites référents :

Paris Révolutionnaire Alain Rustenholz Wikipedia Les rues de Paris Paris ZigZag



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