J’ai découvert le portfolio d’un photographe hongrois des 1940s dans mon grenier

Fille et petite fille de marin, j’ai passé mon enfance entourée d’objets exotiques. Mon grand-père a navigué aux quatre coins du globe et a rapporté dans son barda un tas de bibelots et de souvenirs tous aussi insolites les uns que les autres. Ne l’ayant jamais connu, toutes ces choses, ces bidules sont autant d’indices qui me renseignent sur son parcours géographique et donc son histoire. Il y a quelques temps, en farfouillant dans les affaires de famille, je suis tombée sur un ancien portfolio venant du Japon. Outre la beauté de l’objet, ces images ont attisé ma curiosité et ont piqué mon envie de mener l’enquête sur leur origine.







Par la force des choses, je commence ma petite enquête sur ce portfolio dans mon entourage. J’apprends que durant la Guerre d’Indochine, entre 1951 et 1953, mon grand-père était embarqué sur un pétrolier ravitailleur, c’est-à-dire un « bateau cuve » chargé d’approvisionner en carburant les navires en mer, ici un Porte-avion basé au large des côtes vietnamiennes. Il allait donc faire régulièrement le plein de pétrole en Corée ou au Japon. Selon mes calculs, il aurait ainsi fait une quinzaine d’escales de 3 ou 4 jours au port de Yokosuka dans la baie de Tokyo. C’est sans aucun doute au cours d’un de ces séjours qu’il a fait l’acquisition de ces photographies.

Le portfolio est composé de 24 photographies accompagnées d’une très brève biographie de l’auteur. Le photographe se nomme Francis Haar et après quelques recherches, il semble qu’il ait eu sa petite notoriété.




Et à creuser sa biographie, on comprend toute la force de ses clichés. D’origine hongroise, Francis Haar étudie l’architecture d’intérieure et exerce ce métier pendant un temps. Photographe autodidacte, il se rapproche, dans les années 30, du « Work Circle », un cercle avant-gardiste socialiste mené par Lajos Kassak. Ce dernier prône la photographie comme le médium de la modernité, allant jusqu’à dire que la photographie est supérieure à la peinture pour décrire la réalité. Francis Haar est très empreint de cette tradition qu’est la socio-photographie hongroise. Après avoir rencontré le succès dans son pays, il s’installe à Paris en 1937 et y ouvre son studio de portraitiste.







L’œuvre de Francis Haar prend un tournant paradoxal et fascinant : à la socio-photographie, il allie un travail de commande pour divers organismes institutionnels. C’est en 1939, que Francis Haar se rend au Japon, invité par l’International Cultural Society of Japan. Il ouvre un studio à Tokyo entre 1940 et 1942.




Durant un exil de trois années dans la ville de Karuizawa, Francis Haar devient photographe pour « Yank », l’hebdomadaire de l’armée américaine durant la seconde Guerre Mondiale. C’est ainsi qu’il a documenté la culture japonaise, notamment son théâtre et ses traditions.






Le portfolio, décrit alors différents lieux avec le regard ambigu et d’autant plus riche d’un « étranger intégré » qui nous permet de pénétrer avec distance dans l’intimité d’une culture méconnue et secrète.







Ce portfolio me fascine surtout pour sa temporalité paradoxale. Si aujourd’hui il a une valeur historique certaine, il ne l’avait pas moins pour ses contemporains. Francis Haar tente de saisir l’essence du Japon et puise dans ce que ce pays a d’intemporel et d’éternel. Aucune trace des années 40-50 ici, mais une place forte donnée à l’architecture des temples, aux costumes traditionnels et aux visages.




Cette richesse photographique, entre composition avant-gardiste, regard sociologique et photographie institutionnelle en fait un reportage surprenant qui retranscrit parfaitement la culture nippone tout en en respectant la pudeur.








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